Centrafrique: Un opposant tchadien livré à...

23 Avril 2013 , Rédigé par Jeunes Tchad

Centrafrique: Un opposant tchadien livré à Idriss Déby
21 avril 2013
Juliette Abandokwe

L’annexion de la RCA par le Tchad réaffirmée

L'opposant tchadien Ismael Idriss Ismael, arrêté à Bangui le 16 avril dernier, a été livré dans la journée dusamedi 20 avril aux autorités de N'djamena, après avoir séjourné dans lesquartiers généraux de la FOMAC.

Ancien Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et Vice-président du FUC (Front Uni pour le Changement), Ismail Idriss Ismail avait été enlevé le 16 avril dernier à Bangui par les agents d'Idriss Deby qui quadrillent la capitale centrafricaine ces derniers temps. Dans ce même cadre, les autorités congolaises ont arrêté plusieurs membres de la communauté tchadienne le mercredi 17 avril 2013 au Congo, soit plus de 70 personnes qui ont été arbitrairement interpellées à Oyo, village natal de Sassou Nguesso.

A Bangui, l'heure s'aggrave....

Idriss Deby est bel et bien en train de réaffirmer son annexion de la République centrafricaine. Le tout jeune et encore immature gouvernement centrafricain est d’ores et déjà infiltré par fait accompli. En effet, au Ministère (centrafricain) de la Défense, on retrouve dans les nouvelles nominations du 17 avril 2013 –prononcées sans aucun doute pour certaines avec le couteau sous la gorge - en charge de la réorganisation des FACA comme chef du 2ème Bureau, un Tchadien pur souche, le Général de Brigade Mahamat Bahar du « Bataillon de Soutien etde Services ». Or Mahamat Bahar n'est autre qu'un agent secret Tchadien, responsable des éléments de l’Agence Nationale (tchadienne!) pour la Sécurité (ANS), envoyés à Bangui pour traquer les membres de l’opposition tchadienne en République centrafricaine, qui seraient tentés de s’allier à Michel Djotodia contre Idriss Deby.

Mahamat Bahr a entre autre pour mission d’identifier les anciens rebelles tchadiens qui circulent dans la sous-région, donc d’assurer la main mise d’Idriss Deby sur sa « bouée de sauvetage ». Sa nomination au Ministère (centrafricain) de la Défense lui permet de bien s’acquitter de sa mission dorénavant.

Le Centrafrique est aujourd’hui occupé par Idriss Deby et ses sbires, militairement et politiquement, provoquant et encourageant un désordre indescriptible fait de pillages, abus et violations en tout genre, avec la bienveillante collaboration des éléments restés fidèles à François Bozizé. Alors que beaucoup de Centrafricains ne voient ce désordre qu’au premier degré, à travers le mal fait à leurs parents et à leurs voisins, l’envers du décor est bien plus complexe qu’en apparence.

Djotodia est au coeur d’une pression qui ne dit pas son nom, un chantage immonde qui lui dit :

Soit tu te plies à notre volonté à la lettre,soit nous te détruisons et te faisons porter le chapeau pour le sang qui coule à Bangui dans les quartiers.

En d’autres termes, les violences perpétrées à Bangui font partie d’une très cynique stratégie de provocation qui vise à asseoir la domination du Tchad sur la RCA, avec l’assentiment intéressé du gouvernement français.

Suite à la déclaration de Laurent Fabius conditionnant l'aide de la France en RCA à la légitimation du chef de l'Etat centrafricain actuel, nous devons donc comprendre que le chef de l’Etat présent de mars 2003 à mars 2013 était légitime, et que par conséquent nous étions à cette époque dans un Etat de droit qui ne pouvait pas souffrir d’une ingérence style Barracuda ou Licorne quelle qu’elle soit. Voilà donc l’histoire de la République centrafricaine « made in France » !

Les crimes de l'Etat français en Afrique accompagnés de légitimations ubuesques et révisionnistes – qui ont entre autre permis à l’Afrique d’entrer dans l’histoire n’en déplaise à notre révisionniste-en-chef à talonnettes - sont bien connus de tous. Les négations en tout genre, à l'instar du Premier ministre François Fillon qui qualifie en 2009 les bombardements français au napalm de plusieurs centaines de mille citoyens camerounais pendant la guerre, de foutaise, continuent. Le pédantisme et l'arrogance des autorités françaises en République centrafricaine aujourd'hui sont dans la parfaite continuité du terrorisme politique institutionnel que nous vivons depuis plus d'un demi-siècle.

Nous sommes en RCA aujourd’hui au coeur d'un véritable bras de fer à relent très nauséabond de chantage et de mise devant le fait accompli. Alors que le peuple Centrafricain aurait pu, dans d’autres temps et sous autres cieux choisir son chef, c’est en réalité Fabius, Zuma, Yayi et Deby qui s’amusent dans la cour de récréation centrafricaine et qui décident de la direction à prendre.

Le désordre qui règne à Bangui en ce moment n'est qu'une pure fabrication politique pour faire comprendre aux Centrafricains qu'ils sont impuissants, très nuls et surtout superflus. Les détracteurs du peuple centrafricain n’aiment que la culture de médiocratie. Bozizé était donc un très bon président. Si un autre s’avise de vouloir changer le cours de l’histoire, on va donc tout faire pour le rendre médiocre et misérable, à moins qu’il ne se montre très respectueux du pré-carré établi, en attendant en tout cas.

Chers Compatriotes, ne nous leurrons surtout pas. Djotodia ne fera l’affaire de la France et du Tchad que le jour où il aura déposé ses tripes sur la table des "négociations". Les divers crimes commis aujourd’hui sur la place banguissoise ne sont là que pour lui rappeler qu’il n’est rien et qu’il ne peut rien. Au lieu de demander à Deby d’arrêter de semer la désolation en RCA, on est obligé de lui demander de l’aide pour mettre de l’ordre. Il n’y a pas donc pas deux moyens d’arrêter les exactions.

Entre les déclarations colonialistes de Laurent Fabius et les ricanements d’Idriss Deby, nous comprenons que nous sommes gravement manipulés. Le sort du Centrafricain lambda n’intéresse pas ces gens-là. Ils ne voient que le pétrole et autres sources d’enrichissement. Pour mieux s’amuser, ils s’évertuent encore à jeter l’huile sur le feu de la division.

Quand RFI nous parle d’une RCA « contrôlée par Seleka », nous avons une preuve supplémentaire de la duplicité des médias français. Les débris de Seleka sont devenus des instruments de recolonisation et d’annexion.

La position et la qualité de Michel Djotodia depuis le coup d’Etat du 24 mars dernier a déjà fait couler beaucoup d’encre. Les critiques et les qualifications en tout genre jonglent avec la grave crise humanitaire sur le terrain. Les uns l’accusent de vouloir instaurer une république islamique (avec 15% de Centrafricains musulmans !), les autres de manque de carrure, et beaucoup s’estiment plus "qualifiés" et "honnêtes" que lui.

Tous les qualificatifs du monde ne changeront rien au fait que n’importe quel individu aurait essuyé les mêmes réflexions à sa place. L’angoisse sur l’avenir de laRCA en cas de chute de Bozizé avait paralysé bon nombre de Centrafricains soucieux de leur patrie. D’imaginer un coup d’Etat était impensable pour beaucoup, même si l’évidence faisait qu’il n’y avait pas d’autre issue à la massive prédation de Bozizé. Un changement à la tête du pays signifiait un immense espoir et surtout l’idée un peu naïve qu’on allait sauter de l’enfer au paradis le même jour.

Quand on chasse un monsieur qui se moque gravement de tout le mondeouvertement, il est difficile de lui demander de légitimer et de proclamer sonpourfendeur, d’où l’autoproclamation du nouveau chef, au moins dans un premiertemps. Certains, comme les "messieurs Afrique" de l'Elysée, s'amusent à jongler avec le concept d'autoproclamation. On ne se rappelle plus très bien qui avait proclamé François Bozizé président le 15 mars 2003... mais bon! c'est du passé ça, n'est-ce pas...

Nous sommes aujourd’hui dans un débat d’opinion très important - qui pourrait si on le voulait, nous faire évoluer - où il parait léger de considérer au premier degré les exactions perpétrées dans certains quartiers de Bangui. Nous sommes nombreux à ne pas cacher que le chef précédent était devenu complètement insupportable dans tous les sens du terme, et qu’il fallait impérativement qu’il parte. Si les qualités de son potentiel remplaçant étaient depuis longtemps dans toutes les bouches, un dénouement dans le drame était à prévoir.

Puisqu'ils font partie de l’Histoire, nous sommes forcés de continuer avec les faits et de nous accommoder des événements qui ont eu lieu, même si dans un premier temps ils nous ont permis de dégager un chef avéré profondément nuisible. Le degré de nuisance de son remplaçant ne peut pas être proprement jugé aujourd’hui, dans des circonstances où l’opposition démocratique officielle ne rencontre pas l’unanimité, où beaucoup de jeunes souhaitent « autre chose » mais ne sont pas en mesure de s’organiser concrètement avec des projets réalistes, où la société civile est inaudible donc inefficace, et où le tyran déchu, qui voulait malgré toutes les pressions se représenter illégalement à la présidence, réclame depuis chez Paul Biya à côté, le retour à l'ordre constitutionnel. Dans ces conditions, nous resterons donc toujours les dindons de la farce, victimes des circonstances, et nous seront toujours obligé d'incriminer les actions d’individus qui ont décidé, à tort ou à raison, de marquer l’Histoire de leur empreinte. Nous sommes tous des individus !

C’est ainsi donc qu’avant de condamner et de cataloguer les responsabilités dans les exactions en ville de Bangui, posons-nous d’abord la question sur les circonstances et les objectifs stratégiques de ces activités de déstabilisation, ainsi que le degré d’importance aux yeux des véritables maitres de Bangui, du sort des populations. Avant de vouloir envoyer les « responsables » à la CPI, demandons-nous d’abord qui sont les véritables responsables. Enfin, réfléchissons bien sur l’existence d’une justice à deux vitesses, et questionnons d’abord la non-existence d’un dossier Bozizé pour la CPI pour ses tueries, séquestrations arbitraires et tortures à Ngaragba et à « Guantanamo » - Bossembele, qui auront au moins marqué une fois chaque famille centrafricaine, et qui, surtout, sont à la source de la situation d’aujourd’hui.

Sur un plan indispensablement plus global, en vertu d’un destin géopolitique inextricablement lié, rappelons-nous que nos frères et soeurs Tchadiens vivent depuis plus de 20 ans sous la férule d’un Deby complètement sanguinaire, et que plus que jamais aujourd'hui, il rafle,torture et tue tout ce qui ne baisse pas la tête pour lui lécher les pieds. La République centrafricaine représente sa bouée de secours et il ne veut évidemment pas la laisser s’échapper.

Ismail Idriss Ismail a été livré aux appétits diaboliques d’un Deby très mal à l’aise et qui a besoin de tout maitriser pour se protéger. C’est ainsi que l’ombre de l’ancien chef d’Etat-major, assassin de milliers d’opposants en 20 an set complice des crimes contre l’Humanité d’Hissène Habré, plane au-dessus de Bangui qui devient le théâtre de crimes qui nous concernent tous qu’on le veuille ou non.

Ismail Idriss Ismail suit aujourd’hui les mêmes traces que Charles Massi dont les circonstances avant sa mort par torture ont été similaires. La responsabilité des autorités centrafricaines sont en jeu, même si nous savons que les services secrets tchadiens règnent en maitre à Bangui, de gré ou de force.

Ismail Idriss Ismail sera-t-il torturé à mort comme Ibn Oumar Saleh ou Charles Massi ? Les précédents sont là, incontournables et immuables, sans que la moindre enquête indépendante n’ait abouti à ce jour dans ces deux disparitions.

L’impunité omniprésente, la brutalité abyssale, le diabolisme développécontre toute forme d’opposition, c’est cela que nous devons condamner avant tout aujourd’hui. L’intolérable.

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